Gestion de l’Association des Parents d’Élèves et Enseignants (APEE) dans le système éducatif camerounais  : L’exemple qui vient du Lycée bilingue de Nkoldongo

Au terme de l’année scolaire 2022-2023, nous avons mené une réflexion sur la gestion des APEE. Le président de l’APEE du lycée de Nkoldongo, dans le département du Mfoundi, a été rencontré et a bien voulu partager avec nous son expérience de terrain.

L’éducation est l’arme la plus puissante pour changer le monde“, nous disait Nelson Mandela Madiba. En effet, c’est le décret N° 2001/041 du 19 février 2001, portant organisation des établissements scolaires publics et attributions des responsables de l’administration scolaire, qui consacre l’Association des Parents d’Élèves et Enseignants (APEE) comme partie intégrante de la communauté éducative et dont le rôle est de contribuer au fonctionnement et au rayonnement de l’établissement scolaire. Ce décret a été progressivement complété par des circulaires du Ministère des Enseignements Secondaires et dont les plus notoires sont : la circulaire N° 07/08/C/MINESEC/CAB du 25 février 2008, fixant les modalités de fonctionnement des APEE au sein des établissements publics d’enseignement secondaire et la circulaire N° 15/08/C/MINESEC/CAB du 09 août 2008, modifiant et complétant certaines dispositions de la circulaire N° 07/08/C/MINESEC/CAB du 25 février 2008. En somme, la création de l’APEE est le corollaire de la création d’un établissement scolaire. Par contre, la gestion de cette association laisse à désirer, tant du point de vue du respect de la règlementation en vigueur en matière des APEE, que du point de vue de la redevabilité des gestionnaires de ces fonds publics. Ce qui a fait couler beaucoup d’encre et de salive, tant au sein qu’en dehors des établissements (dans les médias, au sein des communautés…) Ainsi, dans un contexte marqué par des confusions de rôle et un manque de transparence quant à la gestion des fonds d’APEE, toute étincelle de conflit mettrait le feu aux poudres d’une relation déjà mal vécue et entretenue entre certains présidents d’APEE et leurs Chefs d’Établissements.

La problématique de la mauvaise gestion des fonds d’APEE date de plusieurs années, aucun doute sur cette chronologie. Il existe toujours des zones d’ombres, notamment sur l’ordre ou l’autorisation de la dépense et de la sortie de caisse, et sur la personne chargée de la mettre en œuvre ou de la suivre. En effet, bien que la lumière soit clairement faite entre : “qui ordonne?” et “qui exécute ?” ; “quels sont les priorités dans le processus de mise en œuvre ?”, nous nous retrouvons toujours dans une nuée de pratiques incompréhensibles, et malsaines pour le climat scolaire, pour la communauté éducative. C’est dans ce contexte que nous avons pensé partager l’expérience de deux acteurs du système éducatif dont l’un a activement prit par en juillet 2022, dans la salle de conférence de la Cellule d’Appui à l’Action Pédagogique (CAAP), à un atelier de sensibilisation des APEE du département du Mfoundi à l’utilisation du “Guide de gestion administrative, financière et comptable des APEE”. En rappel, cet atelier avait été organisé par les associations Humanees, CRC et AJEVOH, tous points focaux de Zenü Network dans le cadre du Programme “CitizenSchool” dans le Département du Mfoundi. Lesdits travaux avaient été présidés par le Délégué départemental des Enseignements Secondaires du Mfoundi (DDES-Mfoundi) en la personne de Nama Essomba Alain Louis M.

Arrimage aux procédures

D’après sa Majesté Omgba Omgba Luc, Président de l’APEE du Lycée Bilingue de Nkoldongo, son calvaire a commencé après l’atelier cité plus haut. À sa prise de fonction, ses tentatives de prise de contact avec les anciens membres du bureau dans l’optique d’entrer en possession du bilan des activités de leur mandature se sont avérées vaines pour des raisons encore mystérieuses. Ce qui pose là le problème d’archivage. Or l’archivage dans une association est une activité très importante de référencement, de classement, de conservation et ce, de façon cohérente des documents et pièces justificatives. Son but étant de permettre la continuité du service et à l’occasion de pouvoir soumettre les documents comptables à toute réquisition soit de l’auditeur, de l’administration fiscale, de l’administration juridique, etc.

À cette même période, le Proviseur de son établissement s’est fait voler une importante somme d’argent dans son bureau, posant ainsi le problème de sécurisation des fonds d’APEE pourtant prévue dans la Circulaire 07/08/C/MINESEC/CAB du 25 février 2008 : « Les fonds collectés doivent être obligatoirement sécurisés dans le compte ouvert à cet effet. L’intitulé de ce compte doit mentionner le nom de l’association et celui de l’établissement concerné… Pour les retraits, le compte doit obligatoirement comporter trois (3) signatures, à savoir : celle du Président, du Trésorier de l’APEE et de l’agent financier de l’établissement, lequel a l’obligation de rendre compte de façon permanente à sa hiérarchie.» C’est donc cet incident qui a poussé le Président de l’APEE à procéder à l’ouverture d’un compte bancaire au nom de l’association, conformément à la Circulaire cité plus haut. Toujours subordonné à la légalité des Statuts et du règlement intérieur, le Président de l’APEE a bel et bien produit lesdits documents et frais exigibles au dépôt et à la signature de la déclaration d’association.

D’après ses dires, les deux premières années de l’exercice budgétaire de la gestion de l’APEE ont été marquées par des sorties de fonds non répertoriées, et surtout sans les pièces justificatives de l’expression des besoins par son Chef d’établissement. Après calcul, en deux ans, c’est près de 16 millions 327 mille Fcfa de frais d’APEE sortis sans justificatifs. Or, les frais d’APEE sont des deniers publics et l’article 184 du Code pénal relatif aux détournements des deniers publics prévoit des poursuites pénales à l’encontre de tout gestionnaire indélicat des fonds. Avec les partages d’expériences de ses pairs présents à l’atelier (la production des fiches d’expressions des besoins, la signature d’une autorisation de dépense officielle déposée chez le Sous-Préfet), cette situation est devenue gênante pour lui. Ainsi, il a entreprit d’écrire à son Proviseur pour lui demander de fournir dorénavant une fiche d’expression des besoins pour chaque sortie d’argent, car, c’est l’expression des besoins qui doit d’enclencher la dépense et tant qu’il n’y a pas d’expression, il n’y a pas de sortie de fonds. C’est donc là que les soucis entre lui et son Chef d’établissement ont commencé, pourtant, il est important qu’ils travaillent en étroite collaboration, c’est-à-dire qu’ils doivent ensemble avoir un avis sur l’état des besoins au sein de l’établissement, bien que le Chef d’établissement maîtrise mieux les besoins de l’établissement.

Filouterie de fonds

Le Proviseur s’est plaint auprès de madame le Délégué départemental que son Président d’APEE ne faisait plus correctement son travail. Elle a dépêchée une délégation sur le terrain pour une médiation. Joint par téléphone et, aussi après une rencontre avec madame le délégué des Enseignements Secondaires du Mfoundi, le Coordonnateur de Humanees, Kenmogne Cheteu Joseph Bertrand leur a dit que comme il est de coutume admis que le Président de l’APEE n’a pas le droit de s’opposer à une quelconque velléité de signature venant de son Chef d’établissement et, sachant que le président de l’APEE est pénalement et civilement responsable de sa gestion, il est important pour eux de trouvez une astuce pour mettre chacun face à ses responsabilités. Le Chef d’établissement, en tant que conseiller technique du président d’APEE, doit travailler en étroite collaboration avec lui, dans le strict respect des textes de l’association. Après cette médiation, le Président de l’APEE a trouvé une astuce qui consistait à demander à son Proviseur de signer une réception des fonds. Malheureusement pour lui, chaque fois qu’il revenait de la banque avec l’argent, Monsieur le Proviseur refusait de signer la réception ; ce qui a laissé penser à une filouterie de fonds. Il a donc trouvé bon cette fois-ci de faire signer la réception par l’intendant qui par la suite les remettait au Chef d’établissement.

N’étant pas toujours satisfait, le Proviseur s’est cette fois-ci plaint auprès du Sous-préfet qui, toujours d’après la Circulaire 07/08/C/MINESEC/CAB du 25 février 2008, assure le contrôle de la gestion des fonds: « Le contrôle de la gestion des fonds est assuré par les autorités compétentes suivantes : Le Ministre des Enseignements Secondaires… Au niveau des services déconcentrés : Les Délégués régionaux et départementaux… sous le couvert de l’autorité administrative locale. » Monsieur le Sous-préfet à son tour les a convoqués, y compris madame le Délégué départemental des Enseignements Secondaires du Mfoundi pour un arrangement à l’amiable, parce que les plaintes du Proviseur s’étaient accrues en faveur de la dissolution du bureau de l’APEE dès lors que son exécutant qui est le Président n’obéissait à ses injonctions. Une fois au bureau du Sous-préfet, à l‘écoute de la situation conflictuelle entre les deux parties, ce dernier a mis chacun face à ses responsabilités et a fini par inviter les deux à travailler en étroite collaboration pour la bonne marche de l’établissement et surtout dans le respect des textes réglementaires. Après cette étape ayant consisté à la prise en compte des attentes des acteurs, l’application des textes a été convoquée pour résoudre le problème et les uns et les autres étaient revenus à de meilleurs sentiments.

Plateforme comme espace de mutualisation des expériences

En somme, l’initiative de la formation des Présidents d’APEE à l’utilisation du “Guide de gestion administrative, financière et comptable des APEE” en vue de leurs permettre de gérer efficacement les ressources des Associations des Parents d’Élèves et Enseignants et d’assurer une éducation de qualité , ne sera louable et apprécié que si elle fait plus de bien que de mal c’est-à-dire que les bénéficiaires de cette dernière devront être vigilants afin de ne pas causer plus de conflits qu’ils ne devraient résoudre. Avec le leadership, le dynamisme et la ténacité du Président de l’APEE du Lycée Bilingue de Nkoldongo, les Présidents d’APEE du département du Mfoundi ont mis sur pied une Plateforme des Associations des Parents d’Élèves et Enseignants du Département du Mfoundi (PAPEEM) ».

L’Assemblée Générale Constitutive s’était tenue le 28 juin 2023 au sein du CETIF de Yaoundé, sous la présidence du Délégué départemental des Enseignements Secondaires du Mfoundi, Monsieur Nama Essomba Alain Louis M. qui a profité de l’occasion pour prodiguer des conseils aux Présidents qui doivent garder à l’esprit de toujours travailler en étroite collaboration avec leurs Chefs d’établissements pour la bonne marche de l’établissement. Finalement, c’est le Président de l’APEE du Lycée Bilingue de Nkoldongo qui a été porté à la tête du tout premier bureau exécutif de la PAPEEM dont la mission est d’après l’article 3 de son code de fonctionnement, de «promouvoir la bonne gestion des APEE/PTA, d’initier une réflexion et des actions collectives des parents d’élèves du Mfoundi, pour une éducation de qualité».

KENMOGNE CHETEU Joseph Bertrand,

Coordonnateur de Humanees

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